Pour fêter le retour des extraits sonores sur le blog, voici un document exceptionnel, issu des légendaires "Tribaleau tapes", reprenant un enregistrement capté lors d'un concert de Heaven Road en 1972, et qui rappelle à quel point le groupe avait su faire sien le l'esprit et la lettre de Pink Floyd. En effet, à cette époque, Heaven Road avait coutume de proposer dans ses concerts une fabuleuse reprise de "Astronomy Domine", enchainée à sa fameuse composition originale "Soleils Couchants". Rien que pour vous... Enjoy !
jeudi 10 décembre 2009
jeudi 24 septembre 2009
Cenomanum, le groupe d'un jour (1976)
Christian Savigny, Michel Rascagnères, André Beldent, 28 mai 1976
Popoff, quant à lui, est un inconditionnel de guitare, de rock et de blues. Son apprentissage de l’instrument débute sur le riff de « Come Along », paru sur le premier single des Variations. Il se fera ensuite les doigts sur « All Your Love », superbe blues d’Otis Rush, repris avec fougue par John Mayall en 1966, sur l’album « Bluesbreakers with Eric Clapton ». Mais les origines de la vocation de Popoff sont à chercher ailleurs : « C‘est Macson qui m’a donné envie de faire de la musique ; mon rêve de gamin, c’était véritablement de jouer comme le guitariste de Heaven Road. » (3). En effet, le jeune Christophe est introduit dès 1972 dans le cercle du groupe par l’un de ses amis, Jean-Michel « Jimmy » Fouquet, originaire de Loué comme lui, et élève à l’école Normale de Garçons du Mans. Par ce biais, Jimmy fait connaître à Popoff la formation de ses collègues normaliens. C’est une véritable révélation : « Mon passage préféré dans les concerts de Heaven Road, c’était leur reprise de « Dust My Blues ». A chaque concert, c’était vraiment le titre que j’attendais. Et donc c’est un sacré souvenir, quand Macson s’avançait au micro pour le chanter… » (4) On se souvient effectivement qu’à cette époque les concerts de Heaven Road s’achevaient régulièrement sur une version incendiaire de « Dust My Blues », standard éternel de Robert Johnson, enregistré pour la première fois en 1936 sous le titre « Dust My Broom », recréée par Elmore James en 1951, et repris un nombre incalculable de fois, notamment par John Mayall, Canned Heat ou ZZ Top. « C’est resté un morceau-clé pour moi ; encore aujourd’hui, quand je joue, s’il n’y a pas « Dust My Blues » au programme, je suis en quelque sorte frustré ! » (5)
Popoff fera ses premières armes en tant que batteur dans une formation qui comprend également Jimmy et le guitariste Philippe Jamin. « On avait fait un concert dans le quartier du Ronceray, c’était une galère pas croyable. Et, moi, installé à la batterie, qui je vois arriver dans le public ? Macson et Kick’s ! J’étais mort de honte, à la batterie, devant Kick’s, je ne savais plus où me cacher, j’aurais voulu me tirer ! (rires) » (6) Quelque temps plus tard, Popoff intègre ensuite un orchestre de bal, Max Reynal et les Zodiaques, grâce à l’aide de Hervé Chauvin. A cette époque, Hervé Chauvin est, comme Macson, une référence pour Popoff qui observe leurs jeux et étudie leurs plans. « A cette époque-là, c’était très courant qu’un groupe t’invite à taper le bœuf sur scène. On te tendait une guitare, et hop ! Il y avait des lieux de rencontres, notamment à Beaufay. Et là par exemple un jour, j’étais à un concert des Shouters, et je vois Norbert Gobin qui me tend sa gratte ! Allez, hop, « Smoke On The Water » ! Et là, tu es dans tes petits souliers (rires)… » (7)
André Beldent, Christophe Foucher, Alain Mermoud, 28 mai 1976
Le groupe ainsi formé s’annonce d’emblée comme peu banal : outre le fait qu’il compte deux bassistes et trois guitaristes, on peut même parler toutes proportions gardées de « supergroupe », terme en vogue à cette époque pour désigner une formation associant des musiciens déjà connus du public. Cette dimension inhabituelle dans le paysage rock manceau donne au groupe un intérêt incontestable et augure d’un potentiel particulier. Pourtant, cette formation n’aura qu’une existence pour la moins brève. « A l’origine, ce groupe ne s’est monté que pour un seul concert, sans aucune vue future. Il s’agissait pour Popoff de partir faire son service militaire, et c’était donc une sorte de petite fête pour bien marquer ce moment. » (8). A peine formé, le groupe, qui n’a même pas de nom, se trouve engagé pour assurer la première partie d’un futur concert au Mans de la formation britannique Eddie & The Hot Rods. « Kick’s manageait l’affaire, il était très méticuleux, dans les détails d’organisation, pour les répétitions. » (9)
Le groupe est accueilli par Claude Vandel qui met à disposition son garage à Champagné, et dès les premières répétitions, l’association Chauvin-Popoff-Macson donne lieu à un incroyable foisonnement créatif : « C’était l’occasion rêvée de pouvoir mettre en commun des riffs, des parties rythmiques, d’évacuer un maximum d’idées. » (10). Quelques compositions sont donc assemblées, selon un panel d’inspirations assez varié : « Macson avait des influences plutôt basiques, mais à côté, ça allait chercher du côté de Yes, de Uriah Heep, etc… Tout ce qui était du rock pas de base. » (11). Les compositions du groupe témoignent effectivement d’une certaine complexité, notamment dans leurs structures, avec également des changements de rythme parfois abrupts. « Kiddy Monster », « Listen While The Music Plays » ou « Town And Country » sont de véritables petits monuments tarabiscotés, architecture audacieuses, dans lesquelles un nombre conséquent d’idées et de trouvailles se font suite à un rythme effréné. D’autres compositions ont une construction plus traditionnelle, comme « Summer Sun » (complainte mélancolique d’un prisonier qui passe l’été derrière les barreaux) ou le superbe « Maybe In Twenty Years Time », qui voit monter une tension savamment entretenue par la flûte d’Alain Mermoud, sur des textes intéressants de Michel Rascagnères (« Maybe in twenty years time, I’ll play with Jimmy Page… »).
Alain Mermoud, 28 mai 1976
Au terme de plusieurs semaines de répétitions, le groupe, baptisé Cenomanum par Michel Rascagnères, effectue donc la première partie de Eddie & The Hot Rods à la Salle des Concerts du Mans, le 28 mai 1976. Ce concert se passe sans histoires, malgré le retard de la formation britannique, ce qui entraîna quelques problèmes de sonorisation. « On a eu un assez bon accueil, même s’il y avait un contraste évident entre nous et le public » (13). En effet, l’auditoire, qui s’est déplacé pour Eddie & The Hot Rods, recevra quelque peu fraîchement le répertoire de Cenomanum qui ne ressemble à rien de connu… Mélange de rythm & blues, de funk, de rock, de boogie et de rythmes complexes, la musique de Cenomanum a en effet de quoi déconcerter, surtout en comparaison du rock basique des anglais, figures montantes de ce qu’on appelle déjà le mouvement punk-rock. « Le public leur a fait un super accueil mais nous, on a trouvé que ça n’assurait pas du tout ! » (14). « Ce public était d’une autre génération. C’est dur à dire, mais nous, on n’avait que 25-26 ans, mais on était déjà vieux. » (15)
Christophe Foucher et Alain Mermoud, 28 mai 1976
L’aventure Cenomanum n’aura pas de suite, mais malgré sa très brève existence, il subsiste quelques témoignages intéressants, notamment un document vidéo d’une dizaine de minutes, tourné en super-8 et offrant deux extraits de « Summer Sun » et « Town And Country », avec une qualité d’image et de son relativement honnête. Le cadrage se concentre essentiellement sur Macson et Michel Rascagnères, laissant tout de même parfois entrevoir Popoff, Alain Mermoud et Kick’s. Ce témoignage montre un groupe appliqué, concentré sur sa musique, et par conséquent quelque peu statique. Ce qui n’empêche pas de percevoir un feeling monstre, une complicité manifeste entre les musiciens, à travers quelques clins d’œil, quelques sourires qui en disent long. Le plaisir de jouer apparaît de façon encore plus évidente dans la gestuelle habitée de Michel Rascagnères, ou dans cette superbe image d’un Macson, la tête renversée en arrière et les yeux clos.
Christian Savigny, Michel Rascagnères, André Beldent, 28 mai 1976
Il existe au moins un autre document concernant Cenomanum, l’enregistrement d’une répétition chez Claude Vandel, avec six titres, « Maybe In Twenty Years Time », « Listen While The Music Plays », « Fuck Me Suck Me », « Summer Sun », « Kiddy Monster » et « Town And Country ». Les interprétations sont solides et attestent de la maîtrise des musiciens sur un répertoire pourtant très fraîchement constitué. On sent même régner une très bonne humeur tout au long de la trentaine de minutes que dure ce document, d'une qualité sonore très correcte.
Mais revenons à Popoff. Pour l’anecdote, il faut savoir qu’après cet épisode, il partira bien effectuer son service militaire, mais pour vingt jours seulement ! Il reprendra ensuite ses activités musicales, au sein de formations locales telles que Contrepoint (avec plusieurs futurs membres du Grand Orchestre du Splendid), OK (formé par le claviériste Jérôme Lavigne après son départ de Ciel d'Eté) ou Clin d’Œil (avec l’ancien batteur des Shouters Jean-Pierre Tribondeau). Popoff rejoindra ensuite la troisième mouture de Ciel d’Eté, entre 1981 et 1983, avant d’intégrer le groupe Experience.
André Beldent et Christophe Foucher, janvier 1981
Christophe Foucher 2009
1. Christophe Foucher, Avril 2005
2. Hervé Chauvin, Juillet 2004
3. Christophe Foucher, Avril 2005
4. Christophe Foucher, Avril 2005
5. Christophe Foucher, Avril 2005
6. Christophe Foucher, Avril 2005
7. Christophe Foucher, Avril 2005
8. Michel Rascagnères, Juillet 2004
9. Alain Mermoud, Mars 2005
10. Hervé Chauvin, Juillet 2004
11. Hervé Chauvin, Juillet 2004
12. Jo Quellin, Juillet 2009
13. Hervé Chauvin, Juillet 2004
14. Christophe Foucher, Avril 2005
15. Alain Mermoud, Mars 2005
16. Christian Savigny, Avril 2004
17. Christian Savigny, mail 10 Avril 2005
18. André Beldent, interview 15/05/99, émission « Progfest » (Radio Alpa)